L'électricien tricolore, qui réunit demain
les investisseurs, devrait dévoiler une hausse de
l'ordre de 20 % du coût de production de l'EPR, son
futur réacteur de troisième génération,
de Flamanville. Il devrait être légèrement
inférieur à 55 euros le mégawattheure,
contre 46 euros annoncés en 2006. Le coût de
l'investissement pourrait atteindre plus de 4 milliards d'euros,
contre 3,3 milliards prévu.
Le premier EPR construit sur le sol français, à Flamanville,
devrait représenter un coût d'investissement
de plus de 4 milliards d'euros.Opération vérité pour
EDF. L'électricien français s'apprête à dévoiler,
demain à Londres, lors d'une réunion avec les
investisseurs, une hausse de près de 20 % du coût
de l'EPR. Un conseil d'administration s'est tenu hier soir
sur le sujet. Selon des sources bien informées, le
coût de production de l'électricité à partir
de la tête de série du réacteur nucléaire
de troisième génération serait maintenant
estimé à près de 55 euros le mégawattheure
(MWh). Lors du lancement du projet de Flamanville (Manche),
en mai 2006, le groupe tablait sur un coût de 46 euros
le MWh.
Le premier EPR construit en France devrait représenter
un coût d'investissement de plus de 4 milliards d'euros, à comparer
aux 3,3 milliards d'euros initialement prévus. Cette
augmentation reste inférieure au dérapage subi
par Areva à Olkiluoto, en Finlande, où le groupe
nucléaire construit un réacteur pour son client
TVO. La facture finlandaise approcherait désormais
les 4,5 milliards d'euros, contre 3 milliards annoncés
lors du lancement du projet en 2005.
Un avantage qui s'éroderait
EDF comme Areva sont notamment confrontés à des
contraintes de sûreté qui se sont avérées
plus dures que prévu. Ils ont aussi dû faire
face à des aléas, comme le creusement compliqué d'un
tunnel pour le puits d'évacuation à Flamanville.
Pour tenir son délai de mise en service en 2012, l'électricien
a ainsi dû recourir à une technologie plus chère.
À près de 55 euros le MWh, l'avantage économique
du nucléaire s'érode. En retenant l'hypothèse
d'un prix du pétrole à 40 dollars-60 dollars
par baril et d'une pénalisation des émissions
de CO2 entre 10 euros et 20 euros par tonne, EDF estime le
coût de production d'électricité de base à partir
de gaz ou de charbon entre 50 euros et 60 euros par MWh.
En termes de compétitivité économique
pure, le nucléaire voit ainsi son avantage diminuer
par rapport aux autres filières. Ses partisans continuent
toutefois à mettre en avant un atout clef : sa faible émission
de CO2. La facture finale pourrait à nouveau glisser.
Le patron du géant allemand de l'énergie E.ON
table sur un investissement de 5 milliards à 6 milliards
d'euros pour un EPR. Toutefois, le coût des réacteurs
devrait diminuer avec l'effet de série. Il variera
aussi en fonction des pays. « Avec des commandes standardisées,
les coûts et les délais, donc les prix, baissent à partir
de la troisième tranche », note un expert. C'est
d'ailleurs le pari d'EDF en Grande-Bretagne, qui veut y construire
4 EPR.
Actuellement, l'électricien tricolore vend son électricité entre
39 euros et 50 euros par MWh selon les tarifs (particuliers,
entreprises...). Il parvient à assurer ces prix grâce
au coût de production de son parc existant, qui est
estimé autour de 37 euros le MWh. Mais, pour prolonger
la durée de vie de ses 58 réacteurs, l'électricien
sera amené à investir lourdement, ce qui pourrait
avoir un impact sur l'équation économique du
parc nucléaire français.
Dans ce contexte, le premier EPR risque de peser sur la
rentabilité d'EDF. À moins que le gouvernement
n'accepte d'augmenter très sensiblement les prix de
l'électricité en France. C'est d'ailleurs le
combat que mène le groupe en coulisses. L'Etat actionnaire
profiterait d'une telle hausse. Mais un tel scénario
paraît extrêmement difficile en cette période
de crise. D'autant que le contrat de service public limite
la hausse du tarif à l'inflation.
THIBAUT MADELIN
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