La mobilisation contre les antennes relais s'étend
à Paris, poussant à bout les opérateurs
de téléphonie mobile. « Nous ne pourrons
plus continuer longtemps à travailler dans ces conditions
», confient-ils, encore partagés entre désarroi
et franche indignation. Sur le terrain, la tension est manifestement
montée d'un cran depuis l'été. En quelques
mois, de nombreux collectifs de riverains se sont créés
pour empêcher les travaux d'implantation de stations.
Les opérateurs ont ainsi été repoussés,
à plusieurs reprises, rue Planchat (XXe), rue de l'Aqueduc
(Xe), rue Mar cadet (XVIIIe) et boulevard Gabriel-Péri
(XIVe). Les associations dénombrent de leur côté
plus d'une dizaine de situations explosives. « Longtemps
limitée à une bataille administrative, la contestation
est descendue dans la rue », confirme Alain Liberge,
directeur de l'environnement et de la responsabilité
sociale chez Orange.
Opérateurs et riverains se retrouvent donc au pied
des immeubles, dans un face-à-face de plus en plus
tendu. Prévenus de l'arrivée d'une grue, les
contestataires se passent le mot par téléphone,
selon un système rodé. « En une demi-heure,
une soixantaine de personnes peut se rassembler. C'est ce
qu'on appelle la manif minute », détaille Etienne
Cendrier, chez Priarterm (pour une réglementation des
implantations d'antennes relais de téléphonie
mobile). Un bouclier humain barre aussitôt le passage
du grutier, empêchant l'installation des antennes. Le
siège dure le temps autorisé pour les travaux
et l'opérateur écarté doit reprendre
la procédure de zéro. « L'opposition physique
constitue notre seule arme contre les opérateurs qui
pratiquent la politique du fait accompli. Leurs méthodes
sont insupportables », explique la présidente
d'un collectif de quartier.
D'autres ont placé la bataille sur le terrain juridique,
en attaquant les - rares - permis de construire ou l'inobservation
des règles d'urbanisme. Le moyen d'action s'avère
« assez efficace », selon une avocate spécialisée
dans ce contentieux, en dépit « de procédures
extrêmement longues ». Conséquence, selon
Stéphane Kerckhove, membre d'Agir pour l'environnement
: « Les opérateurs ne trouvent plus de lieu où
s'implanter. Ils concentrent donc les antennes sur un même
site, souvent en catimini, et aggravent l'exaspération.
» Mille stations environ sont en place sur les toits
de Paris, dont 187 sur le domaine de la Ville. La couverture
est aujourd'hui jugée « globalement satisfaisante
». Les opérateurs répondent maintenant
à l'augmentation du trafic et préparent l'ouverture
du réseau de troisième génération,
amené à prendre le relais.
Chez SFR, l'exaspération est donc à son comble.
« Nous assistons à une véritable campagne
de désinformation qui joue sur les peurs collectives,
dénonce son directeur de communication. Il faudra bien
que l'Etat prenne ses responsabilités en se prononçant
plus clairement sur les normes appliquées. Sont-elles,
ou non, suffi santes ? » Dans une lettre adressée
vendredi au ministère de la Santé, l'opérateur
demande ainsi aux autorités sanitaires « d'apporter
des réponses aux associations de parents d'élèves
» de Saint-Cyr-l'Ecole, inquiets de la présence
d'antennes sur une école de la ville.
Le débat sur l'application du principe de précaution,
demandé depuis toujours par les associations a par
ailleurs été récemment relancé.
Il est venu cette fois du monde de l'assurance. Les risques
liés aux effets des ondes pourraient en effet être
exclus des polices de responsabilité civile. C'est
déjà le cas chez Axa qui précise qu'«
aucune étude chiffrée ne permet encore d'évaluer
et de tarifer ces risques ».
Dans ce contexte houleux, la charte parisienne est toujours
en négociation. Le document contractuel, liant la mairie
aux opérateurs, prévoit notamment une information
des habitants et une concertation en amont. Les opérateurs
fondent leurs espoirs dans ce « texte exemplaire »
pour calmer les esprits. « A Lyon, où une charte
a été adoptée, les blocages ont été
rapidement levés », remarquent-ils. En attendant,
la Ville n'a pas renouvelé ses contrats avec les opérateurs.
L'Office public d'aménagement et de construction de
Paris (Opac), qui a signé pour 235 antennes, a aussi
gelé en septembre dernier toute nouvelle implantation.
En janvier déjà, le premier bailleur social
de la capitale avait imposé aux opérateurs une
clause de respect des « principes généraux
de précaution afin de garantir la santé des
locataires ». Autant d'arguments que la Ville pourra
brandir le jour venu pour obtenir des concessions d'opérateurs
pressés de voir une fin « au climat de psychose
».
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