C’est une petite anecdote, comme ça, en passant.
Une histoire de pouvoir, de parole donnée, de simples
citoyens et de foutage de gueule, très d’époque.
Jeanine Le Calvez préside l’association Priartém,
laquelle bataille depuis des années pour alerter
sur les dangers potentiels et avérés de la
téléphonie mobile. A force, cette remuante
association est devenue incontournable, comme on dit, sur
le sujet : sérieuse, bosseuse, connaissant ses dossiers
sur le bout des doigts, dans un domaine où n’existent
que deux autres associations, Agir pour l'Environnement
et Robins des toits.
Le mois dernier, Jeanine Le Calvez apprend par la presse
qu’une importante réunion va se tenir sur
le sujet, le 17 octobre, au secrétariat d’Etat
d’Eric Besson : il s’agit de mettre au point
une « charte nationale » qui, entre autres,
doit « améliorer le code des bonnes pratiques,
notamment pour les antennes-relais ».
Premier étonnement : Besson, le fameux transfuge
du PS est censé s’occuper du « développement
de l’économie numérique », et
pas du tout de protection de la santé publique,
or le voilà qui pilote désormais ce dossier
sensible de la téléphonie mobile. Deuxième étonnement
: aucune association n’est invitée, alors
que les opérateurs Bouygues, Orange, SFR et l’Association
des Maires de France le sont. Opiniâtre, Jeanine
Le Calvez annonce par lettre
ouverte qu’elle va s’inviter à cette
réunion plénière. Du coup, elle est
reçue en catastrophe au cabinet de Besson. Vous
vous méprenez, lui disent les conseillers du secrétaire
d’Etat, il ne s’agira pas d’une vraie
réunion, mais de simples auditions séparées.
D’ailleurs, on va vous auditionner tout de suite,
oui, oui, on écoute bien ce que vous avez à dire,
chère madame. Mais, le 17 au matin,, sur France
2, Besson annonce que ce qu’il va présider
dans la journée, c’est bel et bine une réunion.
On m’a menti, constate Jeanine Le Calvez. Elle se
pointe tout de go au secrétariat d’Etat, en
ayant soin d’alerter les cameramen de France2. Palabres,
terrible gêne des menteurs pris la main dans le sac.
Elle insiste pour participer à la réunion,
on la bloque, mais, comme ce n’est pas la première énergumène
venue, Besson la reçoit en aparté. Il lui
explique que les représentants des associations
n’ont pas été invités car il
ne voulait pas mettre autour d’une table « des
gens qui allaient passer leur tempsà s’invectiver ».
Ben voyons… Besson lui fait
deux promesses et, pour lui prouver sa bonne foi, les écrits
noir sur blanc ! Un, il recevra les associations avant
quinze jours. Deux, il les associera à la
prochaine réunion plénière. Promis-juré.
Et bidon : un mois plus tard, Besson n’a toujours
pas reçu les associations, lesquelles n’ont
toujours pas été invitées à la
prochaine réunion, dont la date leur est d’ailleurs
inconnue.
Admirable, non ? D’un côté, les politiques
et les industriels qui font leur petite tambouille entre
eux ; de l’autre, ces emmerdeurs de citoyens qu’on
tient à distance par tous les moyens, la promesse
bidon, le mensonge, l’enfumage. Sarkozysme deuxième
année, section « Etat irréprochable ».
Jean-Luc Porquet
