Madame la ministre,
En date du dimanche 15 juin dernier, vingt personnalités
de renom du monde de la recherche médicale ont pris
part au débat public entourant le développement
de la téléphonie mobile en lançant un
appel solennel à la prudence en raison des conséquences
potentielles sur la santé.
Cette prise de position sur les conséquences sanitaires
de la téléphonie mobile est une bonne et
une mauvaise nouvelle. La bonne est que la communauté scientifique
prend enfin position sur cette question et montre que nos
associations ont eu raison avant tout le monde de tirer
les sonnettes d’alarme, notamment, en ce qui concerne
les enfants. La mauvaise est qu'elle est une confirmation
de plus du caractère de plus en plus probant du
risque de voir ce dossier se transformer en grave problème
de santé publique.
Un éminent spécialiste du cancer du cerveau – le
Professeur V. Khurana - a ainsi conclu, suite à un
travail d’analyse approfondie de la littérature
scientifique, que la téléphonie mobile, si
aucune mesure de gestion de risque n’était
prise, constituerait un problème de santé publique
plus grave encore que l’amiante et le tabac. Ces
conclusions plus que préoccupantes confirmaient
l’appel des scientifiques signataires du plus important
travail d’expertise réalisé à ce
jour et connu sous le nom de « rapport BioInitiative ».
Toutes ces prises de position s’appuient sur les
progrès qui sont fait quotidiennement sur la connaissance
des mécanismes biologiques liés à l’exposition
aux champs électromagnétiques de la téléphonie
mobile et sur la mesure de leurs effets sur les populations.
Les enquêtes épidémiologiques qui permettent
cette mesure montrent une tendance lourde d’accroissement
des risques de gliomes, méningiomes, neurinomes
de l’acoustique ou tumeurs de la glande parotide
au-delà de dix ans d’utilisation. Aujourd’hui
les enquêtes de consommation montrent que la majorité des
enfants de 6ème disposent de leurs portables. Pire,
des chercheurs brésiliens ont montré que
le cerveau des enfants absorbaient 60% de rayonnement électromagnétique
que celui des adultes. L’accroissement statistiquement
significatif du risque d’apparition de ces tumeurs
peut ainsi apparaître bien avant les 10 ans d’utilisation
pour les enfants.
Mais les tumeurs du cerveau ne sont pas les seules pathologies
associées aux champs électromagnétiques.
Nous disposons aujourd’hui des résultats de
la première grande enquête épidémiologique
ayant porté sur des enfants et, plus précisément
sur le comportement des enfants. Ceux-ci ne sont pas particulièrement
rassurants : les enfants exposés in utero (donc
a priori soulignent les auteurs de cette étude à bas
niveau d’exposition) où lors de leurs premières
années ont 80 % de risques de plus d’avoir
des troubles du comportement et de souffrir d’hyperactivité que
ceux qui n’ont pas été exposés.
Allant dans le même sens, les résultats d’une étude
portant cette fois sur les adolescents, concluent là-encore à des
troubles du comportement (agressivité, comportements à risques…).
Nul ne prétend aujourd’hui que l’on
sait tout sur ce risque émergent. Le recul par rapport à sa
diffusion massive n’est pas suffisant. Mais les indices,
eux, sont suffisamment convergents pour que le discours
scientifique officiel soit passé de la thèse
du déni de risque à celle de l’incertitude.
Or, l’incertitude scientifique, c’est-à-dire
cet état où toutes les questions n’ont
pas encore trouvé de réponses définitives
ne peut justifier l’inaction politique. Le principe
de précaution a justement été crée
pour guider l'action publique dans ce type de situation.
Depuis plusieurs années, nous appelons de nos vœux
une réglementation contraignante encadrant le développement
de la téléphonie mobile afin de protéger
notre santé ainsi que des campagnes d’information
et de sensibilisation auprès des utilisateurs de
portables. Nos multiples sollicitations auprès de
vous-mêmes et de vos collaborateurs, autant qu’auprès
de vos prédécesseurs sont demeurées
jusqu’ici sans réponse et, en lieu et place
d’une action politique, nous n’avons obtenu
qu’une communication dilatoire. L’espoir qu’avait
pu faire naître l’annonce du Grenelle de l’Environnement
s’est trouvé vite enterré puisque nous
nous notons avec amertume que rien ou presque n'est prévu
pour encadrer le développement de la téléphonie
mobile.
Aujourd’hui, après ce nouvel appel, émanant
pour la première fois de grands noms du monde médical,
l’inaction politique n’est plus possible. Même
si les intérêts économiques en jeu
sont énormes, l'absence de réglementation
engage votre responsabilité et vous avez le devoir
d'intervenir de façon à combler un vide législatif
et réglementaire inquiétant.
Nous vous demandons donc de prendre une initiative gouvernementale
visant à déposer un projet de loi interdisant
la commercialisation et la promotion des portables pour
enfants et redéfinissant les normes réglementaires
d’exposition. Nous vous demandons également
de solliciter l'INPES afin de mener une grande campagne
de sensibilisation destinée aux publics le plus
susceptible de subir les conséquences sanitaires
d'un usage prolongé du portable.
Dans l'attente de la réponse que vous ne manquerez
pas de nous apporter, et vous remerciant de l'attention
que vous voudrez bien porter au présent courrier,
nous vous prions d'agréer, Madame la ministre, l'expression
de notre plus parfaite considération.
Janine Le Calvez, présidente de PRIARTéM
Stéphen Kerckhove, délégué général
d’Agir pour l'Environnement