Santé . Les ondes électromagnétiques émises
par les téléphones mobiles seraient un facteur
de risques pour la santé, notamment celle des enfants.
Des associations réclament l’interdiction
des portables pour les tout-petits et une grande campagne
d’information sur leur utilisation.
Le téléphone portable aurait-il des effets
néfastes sur notre santé et en particulier
sur celle de nos enfants ? D’un certain point de
vue, cette question semble saugrenue : 70 % des enfants
de douze à quatorze ans posséderaient déjà leur
propre mobile et certains depuis la fin de l’école
primaire (lire reportage ci-après). De plus, le
marché arrivant à saturation du côté des
adultes - 52 millions de personnes possèdent un
portable en France -, les industriels tentent de cibler
les tout-petits. On a vu passer le BabyMo pour les enfants
de quatre à huit ans, puis le Kiditel, sorte de
GPS pour enfant, et maintenant le M01, livré juste
avant Noël par une société espagnole
et destiné aux gamins à partir de six ans.
Certains se diront donc : « Si on en vend pour les
enfants, c’est que ce n’est pas dangereux. » Si
c’était si simple…
Le 2 janvier, pour la première fois, le ministère
de la Santé s’exprimait publiquement sur les éventuels
risques sanitaires « liés aux téléphones
mobiles pour une utilisation intense et de longue durée » (plus
de dix ans). Et appelait les parents à la prudence
quant à son usage : « L’hypothèse
d’un risque ne pouvant pas être complètement
exclue, une approche de précaution est justifiée. » « Mieux
vaut tard que jamais », répondaient dès
le lendemain les associations Agir pour l’environnement
et Priartém (1), ironisant sur des « précautions » prises
juste après les grands achats de Noël. « Mais
la communication ne suffira pas, assure Stéphen
Kerckove, délégué général
d’Agir pour l’environnement. Nous redemandons
l’interdiction de la promotion et de la commercialisation
des portables pour les enfants et le lancement d’une
grande campagne det de sensibilisation au bon usage du
portable. » Une réunion sur ce sujet est prévue
demain au ministère de la Santé.
Roselyne Bachelot emboîtera-t-elle le pas à la
secrétaire d’État à l’Écologie,
Nathalie Kosciusko-Morizet, qui s’est déclarée,
le 7 janvier, sur l’antenne de RMC, contre la commercialisation
des portables destinés aux enfants ? « Interdire
le portable pour les enfants accrédite l’hypothèse
qu’il y a un risque », affirme Janine Le Calvez,
présidente de Priartém. Mais ne rien dire
ni ne rien faire serait nier le principe de précaution.
En cause : les ondes électromagnétiques émises
par les portables, mais aussi par la Wi-Fi, les lignes à haute
tension, les antennes-relais. Plus lente que la diffusion
massive de ces nouvelles technologies, la recherche tente
d’y voir clair.
Une partie de la grande étude épidémiologique « Interphone »,
menée dans treize pays et portant sur « les
relations entre exposition au téléphone mobile
et tumeurs de la tête », a commencé d’être
publiée. Élisabeth Cardis, coordinatrice
de cette étude au Centre international de recherche
sur le cancer (CIRC), précise : « Certaines
de ces recherches semblent indiquer une possible augmentation
du risque de tumeur du cerveau, d’une tumeur des
glandes salivaires ou du nerf acoustique, chez les gros
utilisateurs au-delà de dix ans d’utilisation. » Tout
en précisant que les incertitudes demeurent tant
que les résultats globaux ne sont pas publiés.
Attendus depuis 2003, ils devraient être rendus publics « dans
trois ou quatre mois », espère Élisabeth
Cardis.
En octobre dernier paraissaient les conclusions de 18 études
menées par les chercheurs suédois Lennart
Hardell et Kjell Hansson. Ils arrivent aux mêmes
conclusions : au-delà de dix ans d’utilisation
d’un téléphone portable, le risque
de développer une tumeur cérébrale
maligne de type gliome serait multiplié par deux,
et par deux et demi dans le cas des atteintes du nerf acoustique.
Ces résultats, jugés suffisants, ont poussé un
groupe de chercheurs internationaux à réclamer
un durcissement de la réglementation internationale
sur les ondes électromagnétiques, en août
dernier.
En France, l’Agence française de sécurité sanitaire
de l’environnement et du travail (AFSSET) a été chargée
par le ministère de la Santé d’une
mise à jour de son expertise sur la question. Prudent,
Olivier Merckel, chef de projet à l’AFSSET,
s’en tient aux dernières recommandations de
l’agence de juin 2005 : utiliser un kit mains libres,
utiliser son téléphone dans de bonnes conditions
de réception, limiter son exposition aux ondes électromagnétiques
en limitant l’usage de son mobile, informer les adolescents
et déconseiller l’usage du mobile aux jeunes
enfants. « Nous n’avons pas encore la preuve
d’un risque sanitaire lié aux portables, mais
nous n’avons pas non plus la preuve de sa non-existence »,
affirme Olivier Merckel.
Parents, débrouillez-vous avec cela ! Que peut
pourtant bien signifier d’informer les adolescents
quand des abonnements permettent de téléphoner
gratuitement après 20 heures ou encore d’appeler
certains numéros en dehors de tout forfait et donc
de toute restriction de temps ? Impossible d’éduquer,
dans ce cas, sans être en possession de toutes les
informations nécessaires… C’est sans
doute ce qui a poussé le conseil scientifique de
la Fondation santé et radiofréquences à inviter
les parents à la prudence, mais cette fois, avant
Noël.
Dans son communiqué du 19 décembre 2007,
la Fondation se dit préoccupée « par
l’usage trop précoce d’un téléphone
portable pour un enfant ou un jeune adolescent » et
appelle à la responsabilité parents, distributeurs
et industriels. Elle attire l’attention également
sur le fait « que les cerveaux en développement
sont susceptibles d’être plus sensibles aux
effets des ondes électromagnétiques et des
radiofréquences ». Et de rappeler l’avis
de 2004 de la Health Protection Agency (HPA) au Royaume-Uni
: « Les enfants pourraient être plus vulnérables
aux effets éventuels des impacts sur la santé liés à l’utilisation
des téléphones mobiles, à cause de
leur système nerveux en cours de développement,
de l’absorption plus importante de l’énergie
dans les tissus de leur tête et de la durée
plus longue d’utilisation au cours de leur vie… »
Martine Hours, présidente du conseil scientifique
de la Fondation santé et radiofréquences,
fondation qui finance la recherche depuis 2005 avec des
fonds privés et publics, confie pour sa part avoir
refusé de procurer des portables à ses enfants
quand ses recherches ont commencé. « Ils avaient
entre douze et treize ans, je leur disais où j’en étais
avec mes doutes, mais surtout que l’outil ne leur était
pas indispensable dans leur quotidien. Même si les
risques sont faibles et ne sont pas encore totalement prouvés,
il faut informer les gens. Et dire aux parents : ne confiez
pas de portable à vos enfants, sauf si c’est
nécessaire, et donnez l’exemple ! » En
téléphonant par exemple davantage sur la
ligne fixe et en n’utilisant qu’occasionnellement
le portable. Un message qui ne sera sans doute pas facile à faire
passer tant le mobile est massivement répandu dans
l’ensemble de la population. Des habitudes sont prises,
voire des dépendances. Et les opérateurs
rivalisent de nouveautés pour attirer les jeunes
clients, très sensibles aux nouvelles fonctions
du portable, la vidéo, l’appareil photo, le
lecteur MP3. Nul doute que si une dangerosité était
prouvée, les opérateurs auraient beaucoup à perdre.
En 2005, leur chiffre d’affaires en France s’élevait
en 21 milliards d’euros.
Citoyens, opérateurs… restent les pouvoirs
publics. C’est à eux que les associations
s’adresseront demain afin de réclamer, une
fois de plus, l’interdiction des portables pour les
enfants et le lancement de campagnes d’information
dignes de ce nom. Il serait regrettable, une fois encore,
que les enfants de parents informés soient les seuls à bénéficier
du principe de précaution.
(1) Pour une réglementation des implantations d’antennes-relais
de téléphonie mobile.
Maud Dugrand