Ç A CHAUFFE à l'Afsse, Agence française
de sécurité sanitaire et d'environnement, en
charge des dossiers chauds sur les risques des téléphones
mobiles, des antennes, des risques chimiques, etc. Selon nos
informations, le ministère de la Santé a pris
la décision de lancer une enquête conjointe Igas
(inspection générale des affaires sociales) et
IGE (inspection générale de l'environnement)
sur le « bon respect des pratiques scientifiques » de
l'Afsse. Une petite bombe, l'Igas ayant pour mission de mettre
son nez là où il existe des soupçons de
dysfonctionnements sérieux. La décision a été prise à la
suite des accusations portées par le propre patron de
l'Afsse lors d'un colloque au Sénat lundi. L'enjeu est
important, l'Afsse émet des avis ayant des répercussions
sur la vie quotidienne, à commencer par les risques,
réels ou hypothétiques, sur les portables.
Assistance médusée. Lundi dans la matinée,
dans la salle Clemenceau du Sénat, l'association Orée
organise un colloque sur l'indépendance des experts
devant 400 chargés d'environnement de grandes entreprises
mais aussi des responsables d'association. Selon les témoins
sur place, Stephen Kerckhove, délégué général
de l'association Agir pour l'environnement, a interrogé Guy
Paillotin, président de l'Afsse, sur le manque d'indépendance
des experts scientifiques. Au lieu de s'en tenir à la
traditionnelle langue de bois, Guy Paillotin lance : « Je
vous admire d'avoir encore de l'espoir en l'Afsse, pour ma
part mon propos est teinté de désillusion, c'est
effectivement un lieu de pouvoir et, comme tout lieu de pouvoir,
il est creux (...) j'ai indiqué à la direction
générale de l'Afsse que nos expertises ne tenaient
pas devant devant une expertise juridique. » Devant l'assistance
médusée, il cite un rapport de 2003 innocentant
les mobiles et les antennes-relais et dont certains des scientifiques étaient
en prise d'intérêt avec des opérateurs
de téléphonie : « L'expertise de l'Afsse
sur la téléphonie mobile n'a jamais suivi de
près ou de loin les règles que l'Afsse s'est
fixées elle-même », et d'ajouter : « C'est
une expertise que je considère comme n'existant pas... »
Une agence dans le collimateur. Même la juge d'instruction
Marie-Odile Bertella-Geffroy, responsable du pôle de
santé publique, assise à ses côtés,
n'en croit pas ses oreilles quand Guy Paillotin précise
que « l'expertise ressemblera de plus en plus à de
la téléréalité ». L'affaire
aurait pu se tasser si les débats n'avaient été enregistrés
et diffusés par Agir pour l'environnement, ravie de
tirer sur l'Afsse. L'agence a publié hier un communiqué de
Guy Paillotin revenant sur ses déclarations : « Les
propos reconstitués que l'on me prête et qui ne
reflètent pas ma pensée ni mes préoccupations
les plus profondes (...) les qualités scientifiques
du rapport et de ses experts ne sont pas ici remises en cause. » Interrogée
par notre journal, Mme Michèle Froment-Vedrine, directrice
de l'agence, a répondu : « Je suis sidérée
par ces déclarations, si elles viennent effectivement
du président, de toute façon il était
en fin de mandat et devait quitter son poste. » C'est
un nouveau coup dur pour cette agence au budget ridicule, 20
millions d'euros et 84 salariés, qui avait déjà vu
son directeur scientifique, le très réputé Pr
Denis Zmirou, claquer la porte avec fracas en milieu d'année.
Eric Giacometti

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