Dangereux ou pas dangereux ? La controverse sur la nocivité
ou l'innocuité des portables et des antennes-relais
de téléphonie mobile rebondit. Quatre scientifiques,
proches des associations de défense des riverains d'émetteurs,
publient aujourd'hui un livre blanc intitulé Votre
GSM, votre santé, on vous ment!(1) que Le Figaro s'est
procuré. Ses auteurs évoquent les dangers des
pylônes et des portables, des insomnies aux céphalées
en passant par les troubles cardiaques. Ils réclament
l'application du principe de précaution et dénoncent
les pressions subies par les scientifiques, orchestrées,
selon eux, par les opérateurs.
Depuis plusieurs années, la communauté scientifique
s'oppose à coup d'études sur les effets sanitaires
des portables et des antennes-relais. Fondés sur une
recension d'études internationales, plusieurs rapports
(du Pr Zmirou en 2001, des sénateurs Lorrain et Raoul
en 2002, de l'Agence française de sécurité
sanitaire environnementale en 2003) ont conclu à l'absence
de risques, en ce qui concerne le GSM, la génération
de portables actuelle.
Aujourd'hui, un livre blanc dénonce la dangerosité
de la téléphonie mobile. Il a été
rédigé par Pierre Le Ruz, docteur en physiologie,
expert auprès des tribunaux, auteur de publications
sur les effets biologiques des radiations non ionisantes,
Richard Gautier, biologiste, docteur en pharmacie, ancien
interne des Hôpitaux de Paris, Daniel Oberhausen, professeur
de physique, ancien élève de l'Ecole normale
supérieure (ENS) de Cachan, Roger Santini, docteur
ès sciences, enseignant-chercheur dans une école
d'ingénieur, membre de la Bioelectromagnetics Society
américaine et de l'Union radio-scientifique internationale
(Ursi).
Les quatre scientifiques passent en revue les études
à l'origine des rapports de 2001, 2002 et 2003, en
pointant leurs lacunes et les interprétations, qu'ils
estiment infondées. Ils abordent «ce que les
rapports officiels français ne disent pas» et
évoquent les travaux ignorés, disent-ils, par
les experts qui se veulent rassurants.
Le quatuor conclut que le portable et les antennes-relais
ne sont pas sans risques pour l'homme. «Les faits rapportés
dans ce livre blanc sont loin de confirmer la position officielle
très optimiste des experts français (rapports
2001, 2002, 2003), à savoir qu'il n'y a pas de danger
avéré en l'état actuel des connaissances.
La réalité des risques pour la santé
résultant de l'exposition aux ondes électromagnétiques
de la téléphonie mobile apparaît clairement,
particulièrement dans le domaine de l'action des micro-ondes
sur le cerveau.»
Les auteurs insistent en particulier sur les effets biologiques
des champs électromagnétiques sur l'activité
cérébrale qui surviennent «à des
doses nettement inférieures aux valeurs limites actuelles»
: troubles du sommeil et de l'humeur, fatigue, dépression.
Ils s'inquiètent aussi des conséquences des
mêmes champs sur la barrière hémato-encéphalique
(BHE), limite entre le sang et le cerveau, qui filtre des
éléments nutritifs indispensables à ce
dernier (comme le glucose) et bloque des substances potentiellement
nocives pour les cellules nerveuses.
La perméabilisation de la BHE causée par le
portable peut provoquer «la formation de micro-oedèmes,
l'inflammation de la dure-mère (la plus superficielle
et la plus résistante des trois méninges) et
donc l'apparition de migraines et de maux de tête. Ces
derniers sont d'ailleurs largement retrouvés dans les
enquêtes épidémiologiques chez les utilisateurs
de portable.» La perméabilisation de cette barrière
«pourrait être également impliquée
dans le développement de certaines tumeurs ou leucémies.»
Le rapport met également en cause la téléphonie
mobile dans l'augmentation du nombre de maladies neurodégénératives
comme celle d'Alzheimer et l'autisme. «Craintes d'autant
plus grandes que toutes les émissions de radiofréquences
sont concernées (téléphonie mobile GSM
ou UMTS, stations de base comprises, réseaux sans fil,
WiFi, émetteurs personnels de surveillance des bébés)
et pourraient apparaître à partir de 0,6 volt
par mètre, voire moins.» Il est donc, selon eux,
indispensable de diminuer les niveaux d'exposition de la population.
Dans certains cas, la téléphonie mobile ne
serait pas étrangère à l'épilepsie
: «Si la compréhension de la genèse de
l'épilepsie nécessite encore des recherches,
les raisons relatives au déclenchement des crises ou
favorisant celles-ci sont beaucoup plus nettes. Les champs
électromagnétiques, tels ceux de la téléphonie
mobile, sont démontrés comme capables de déclencher
des crises d'épilepsie.»
Leur avertissement est d'autant plus sérieux que l'UMTS,
technologie de nouvelle génération, s'apprête
à fondre sur la France. Or, selon une étude
des ministères des Affaires économiques, de
l'Environnement et de la Santé néerlandais présentée
à l'automne 2003 (nos éditions du 14 novembre
2003), citée dans le livre blanc, on observe «une
modification des temps de réaction et de la mémorisation,
une diminution de l'attention visuelle».
Face aux risques potentiels, le livre blanc formule un certain
nombre de conseils et de propositions. Il est vivement recommandé
de limiter la durée d'une communication à trois
minutes et d'attendre quinze minutes entre chaque appel. L'usage
du kit mains libres, qui permet d'éloigner le téléphone
de la tête, est donc souhaitable. Les jeunes de moins
de 16 ans, les femmes enceintes et les porteurs de simulateurs
cardiaques devraient utiliser le mobile le moins possible.
Les signataires du livre blanc, qui «élèvent
une énergique protestation contre le harcèlement
moral et professionnel dont sont victimes certains scientifiques
en Europe et aux Etats-Unis», appellent enfin de leurs
voeux la création d'une autorité indépendante
des groupes de pression.
Collection Résurgence, médecine et environnement.

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