Le désherbant le plus vendu au monde, le Roundup
de la firme américaine Monsanto, est à nouveau
mis en cause. Le biochimiste Gilles-Eric Séralini
(université de Caen) et sa collègue Nora
Benachour viennent de publier une étude mettant
en évidence l'impact de diverses formulations et
constituants de ce pesticide sur des lignées cellulaires
humaines. Et ce à des doses très faibles.
M. Séralini avait déjà publié en
2005 et 2007 des résultats controversés sur
le sujet. Son nouvel article, paru dans la revue Chemical
Research in Toxicology fin décembre 2008, présente
diverses atteintes - nécrose, asphyxie, dégradation
de l'ADN - induites soit par le glyphosate, le principe
actif du Roundup, soit par un produit de sa dégradation
(AMPA), soit par un adjuvant (POEA) qui facilite son incorporation
par les plantes cibles, soit par des formulations commerciales
de l'herbicide.
Les lignées choisies pour étudier l'impact
de ces produits sont des cellules néonatales issues
de sang de cordon, des cellules placentaires et de rein
d'embryon. La mort des cellules exposées intervenait
dans les 24 heures, à des concentrations que les
auteurs de l'étude jugent représentatives
des résidus subsistant dans les récoltes
après utilisation du Roundup.
Ce produit est notamment employé en conjonction
avec certaines plantes transgéniques conçues
pour tolérer le glyphosate. Ces champs de maïs,
soja ou coton "Roundup Ready" peuvent ainsi être
commodément nettoyés de leurs mauvaises herbes
sans mettre en péril la récolte.
Les chercheurs ont eu la surprise de constater que les
effets délétères les plus marqués
ne venaient pas du glyphosate lui-même, mais d'autres
composés entrant dans la formulation. C'est le POEA
qui a eu l'impact le plus marqué. En résumé, "les
effets délétères ne sont pas proportionnels
aux concentrations en glyphosate, mais dépendent
plutôt de la nature des adjuvants".
Le même phénomène avait été observé en
2005 par Rick Relyea (université de Pittsburg) qui
avait montré que les POEA augmentaient l'impact
de l'herbicide sur des populations d'amphibiens. Travaillant
sur l'oursin, Robert Bellé (Station biologique de
Roscoff) était parvenu à des conclusions
similaires. "L'une des nouveautés intéressantes
de l'article, c'est de constater que l'AMPA, dont la concentration
augmente dans les eaux des rivières, est lui aussi
actif", note-t-il.
S'appuyant sur ces résultats, le Comité de
recherche et d'information indépendantes sur le
génie génétique (Criigen), dont M.
Séralini est membre, réclame la publication
des analyses de sang détaillées "de
chaque mammifère ayant reçu de l'herbicide
lors des tests réglementaires avant autorisation
commerciale (...), car elles pourraient masquer des effets
indésirables". Directeur adjoint "végétal
et environnement" de l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments (Afssa),
Thierry Mercier estime que l'article de l'équipe
de Caen ne justifie pas une réévaluation
du Roundup. "Ces résultats ne remettent pas
en cause les évaluations réalisées
par la firme et dans des laboratoires indépendants",
estime-t-il. "Il faut être prudent quant à une
extrapolation possible à l'homme d'études
in vitro", note-t-il. Le dernier avis de l'Afssa sur
le Roundup remonte à 2007.
Gilles-Eric Séralini critique le "laxisme" des
tests réglementaires, qui conduisent à tester
le plus souvent séparément le principe actif
et les adjuvants, alors que leur combinaison peut multiplier
les effets toxiques. Pour tenir compte de cet "effet
cocktail", "il faudrait au contraire des tests
in vivo pour chaque formulation", assure-t-il. Un
principe combattu par les industriels pour des raisons
de coût.
De son côté, Monsanto France estime que "le
protocole utilisé conduit à exposer directement
des cellules de cordon humaines au produit alors que cela
ne se produit jamais dans les conditions réelles
d'usage du Roundup (...). L'étude de M. Séralini
détourne intentionnellement l'usage normal de Roundup
afin de dénigrer le produit, alors que sa sécurité sanitaire
est démontrée depuis trente-cinq ans à travers
le monde."
Hervé Morin
