C’est
une première en France. Trois ministères
(santé, écologie et économie numérique)
se sont emparés, jeudi 23 avril, du sujet de la téléphonie
mobile et des antennes-relais, en lançant le “Grenelle
des ondes”. Bâtie sur le modèle du Grenelle
de l’environnement, la table ronde a réuni une
cinquantaine de représentants d’organismes publics,
d’opérateurs de téléphonie mobile,
d’organisations non gouvernementales (ONG), de syndicats,
ainsi que des parlementaires, élus locaux et personnalités
qualifiées. L’objectif est de sortir de la confrontation
entre opérateurs et ONG, et d’aboutir à une
série de propositions.
“
L’Etat prendra ses responsabilités, a affirmé Chantal
Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie.
Nous pouvons faire évoluer la réglementation.” “La
situation actuelle ne satisfait personne”, a déclaré Nathalie
Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’économie
numérique.
La tension est allée croissant ces derniers mois.
Les ONG dénoncent l’absence de certitudes sur
l’innocuité des ondes électromagnétiques,
et réclament l’application du principe de précaution.
Elles prônent l’adoption d’une limitation
des émissions à 0,6 volt par mètre (V/m)
- contre 41 et 61 V/m aujourd’hui selon les fréquences.
Plusieurs tribunaux sont récemment allés dans
leur sens, en reconnaissant la nécessité d’appliquer
le principe de précaution et en ordonnant le démontage
de certaines antennes-relais. De leur côté,
les opérateurs mettent en avant leur obligation d’assurer
une bonne couverture du territoire et demandent un cadre
juridique stable.
Le Grenelle des ondes a commencé dans une certaine
improvisation. Plusieurs participants ont demandé “un
calendrier plus large” et les ONG ont regretté “une
méthode de travail floue”. “L’ordre
du jour des différents ateliers de travail n’a
toujours pas été dévoilé précisément”,
regrette Stéphane Kerckhove, de l’association
Agir pour l’environnement. Les ministres ont d’emblée
annoncé que les discussions pourraient être
plus nombreuses que prévu, et se poursuivre au-delà de
la date de clôture initialement retenue, le 25 mai.
En réponse aux inquiétudes des ONG, Roselyne
Bachelot, la ministre de la santé, a affirmé que
chaque intervenant pourrait solliciter les experts de son
choix. Mais le temps est compté. La prochaine réunion,
consacrée aux antennes-relais, aura lieu le 6 mai
et les auditions de scientifiques n’ont pas été organisées
en amont. “Cela nous laisse un temps très réduit
pour organiser la venue des experts”, relève
M. Kerckhove.
DISCUSSIONS “SANS TABOU”
Sur le fond, les ministres ont affirmé que les discussions
se dérouleraient “sans tabou”. Cependant,
la téléphonie mobile est présentée
comme “la priorité numéro un” du
gouvernement. “Il existe un gros bagage scientifique
démontrant l’existence d’incertitudes
sur les impacts sanitaires des téléphones portables,
a affirmé Mme Bachelot. Ce n’est pas le cas
pour les antennes-relais.” “Dès le départ,
le problème des antennes est minimisé”,
contestent les ONG.
Les ministres ont lancé des pistes sur de possibles évolutions
de la réglementation. Ils ont rappelé que le
projet de loi Grenelle 2 propose d’interdire la commercialisation
de téléphones conçus pour les moins
de 6 ans, et la publicité à destination des
moins de 12 ans. Ces limites d’âge pourraient être
relevées. Mme Bachelot a insisté sur la nécessité de “mieux
informer le public”.
Mme Jouanno a également évoqué “la
possibilité de suspendre” les implantations
d’antennes-relais dans l’attente des résultats
de deux grandes études (l’une française,
l’autre internationale), qui doivent faire le point
concernant toutes les connaissances scientifiques sur le
sujet. Leur publication est attendue en septembre. Une telle
mesure, réclamée par les ONG, nécessiterait “un
arbitrage interministériel”, a cependant précisé la
secrétaire d’Etat à l’écologie.
Grégoire Brethomé et Gaëlle Dupont
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