Depuis quelque temps, les antennes relais polarisent toutes
les angoisses. Selon un sondage réalisé par
l'institut BVA à l'initiative des associations, 80%
des Français seraient favorables à une meilleure
réglementation de leur développement. Si le
débat a récemment opposé différentes
instances judiciaires et associatives d'une part, politiques
et médicales d'autre part, les scientifiques eux-mêmes
ne s'accordent pas sur les conclusions à prendre en
compte : tandis que certaines études mettent en avant
les risques des champs éléctromagnétiques
pour la santé, l'Académie de Médecine
considére de son côté qu'elles n'observaient
pas le bon protocole scientifique.
Or, lundi 23 mars, lors d'un colloque au
Sénat sur l'enjeu sanitaire des technologies sans fil,
des scientifiques ont mis en avant une compilation de publications
tendant à prouver que les champs électromagnétiques
pourraient bien être "à l'origine d'un problème
de santé publique majeur". "Les effets des
champs électromagnétiques sur notre santé
sont démontrés par l'observation clinique de
très nombreuses investigations toxicologiques et biologiques
et certaines études épidémiologiques",
soulignent quatre professeurs. Cette déclaration a
été signée par quatre chercheurs européens
: l'Allemand Franz Adlkofer, coordinateur du projet de recherche
européen Reflex qui rassemble 12 équipes de
7 états membres, le Français Dominique Belpomme,
cancérologue et les Suédois Lennart Hardell,
cancérologue et chercheur, et Olle Johansson, du département
de neurosciences du Karolinska Institute. Ils observent qu'il
existe "un nombre croissant de malades devenus intolérants
aux champs électromagnétiques" et qu'on
"ne peut exclure chez eux l'évolution vers une
maladie dégénérative du système
nerveux, voire certains cancers". Pour ces scientifiques,
il y a donc une véritable urgence à appliquer
le principe de précaution.
Une réglementation "particulièrement
laxiste"
C'est ce que dénoncent aussi les associations
Agir pour l'environnement et Priartem qui s'appuient sur le
rapport Bioinitiative pour réclamer cette application.
Elles estiment que la France dispose d'une réglementation
"particulièrement laxiste" alors même
que les normes d'exposition maximales, fixées à
41, 58 ou 61 volts par mètre selon les fréquences
(900 MHz, 1800 MHz ou 2100 MHz), sont plus élevées
que dans bon nombre de pays européens. "Comme
le réclame le Parlement européen", les
associations demandent donc une baisse "très significative"
des valeurs d'exposition maximales aux champs électromagnétiques
des antennes relais, à 0,6 V/m. "Certaines régions
en Europe, comme la Toscane, sont très bien parvenues
à respecter cette norme d'exposition. Nous estimons
également que la téléphonie mobile, de
part les risques qu'elle comporte, doit être un complément
à la téléphonie filaire, et que c'est
aux élus de faire en sorte que naisse une prise de
conscience" déclare Janine le Calvez, présidente
de Priartem.
Une question de santé publique
Une table ronde sur les effets potentiels
des téléphones mobiles et des antennes relais
sur la santé sera organisée par le ministère
de la Santé le 23 avril, à la demande du Premier
ministre. Si les différentes instances qui font autorité
s'accordaient jusqu'alors sur l'insuffisance de preuve pour
remettre en cause la présence des antennes-relais et
si l'issue du "grenelle des antennes" semblait déjà
jouée, ces nouvelles conclusions pourraient relancer
sérieusement le débat. François Fillon,
soutenu par l'Académie nationale de médecine
, considérait en effet qu'en l'état actuel des
connaissances, "l'hypothèse d'un risque pour la
santé pour les populations vivant à proximité
des antennes-relais de téléphonie mobile ne
peut être retenue". Les travaux de l'Académie
nationale de médecine allait jusqu'à remettre
en cause la condamnation de Bouygues , obligé de démonter
une antenne au nom du principe de précaution. Janine
Le Calvez souligne que "ce n'est pas la première
fois que l'Académie n'est pas la plus vertueuse en
matière de prévention, comme pour l'amiante,
et qu'elle se positionne du côté des lobbies
aux détriments des questions de santé publique",
faisant allusion à l'article paru le 11 mars dans le
Canard Enchaîné et qui dénonçait
les accointances de Bouygues avec les instances. Janine Le
Calvez souligne également que si l'issue du grenelle
de la téléphonie mobile n'est pas gagnée
d'avance pour les associations, la rencontre, le 23 mars,
avec la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie
Chantal Jouanno, a permis d'assurer que la questions des antennes-relais
sera bien intégrée au débat pendant la
table ronde. C'est "une condition à notre participation,
et nous allons désormais tenter de faire en sorte que
des amendements puissent être proposés et permettre
notamment l'abaissement du seuil d'exposition maximal".
"Le réagencement des antennes
ne remet pas en question l'obligation de couverture du territoire"
En définitive, et en l'absence d'un
discours unique de la communauté scientifique, ce sont
le principe de précaution et la question de l'appliquer
ou non qui font débat. D'autant plus qu'en l'occurrence,
celui-ci va à l'encontre des obligations imposées
par l'État aux opérateurs de couvrir l'ensemble
du territoire, faute de quoi ils seraient sanctionnés.
Dans cette perspective, les déclarations de François
Fillon se prêtent à une autre lecture. Priartem
remarque toutefois que si "le réagencement des
antennes et la baisse d'émission qui seraient nécéssaires
pour pouvoir atteindre ce seuil d'exposition, couterait un
peu plus cher aux opérateurs, cela ne remet pas en
question leurs obligations de couverture du territoire",
l'éloignement des zones d'habitation et l'abaissement
du seuil d'emission pour y parvenir ne concernant "que
20% du territoire".
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