Rétention des rapports d'expertise : le nouveau jeu pervers de la France ?

Communiqués de presse

Paris, le 28 mars 2024. Il y a quelques semaines, l'ANSES admettait avoir retardé la publication d'un rapport sur le projet européen de dérégulation des « nouvelles techniques génétiques » (NTG), sous la pression du ministère de l'agriculture. Hier, Le Monde a révélé qu'un autre rapport de l'ANSES (sur la génotoxicité du glyphosate) avait été enterré en 2016. Dans les deux cas, cette censure de l'expertise scientifique par la France a faussé les prises de décision européennes.

Le 2 février, l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) aurait dû publier un rapport sur les nouveaux OGM, dont le contenu balayait l'argumentaire avancé par la Commission européenne pour justifier leur dérégulation : les experts réfutaient les bases scientifiques du texte européen. Cet avis argumenté était censé éclairer le vote des parlementaires européens sur ce projet, prévu et réalisé le 7 février. Las !, bloqué à la demande du ministre français de l'agriculture, ledit rapport ANSES n'a été rendu public que début mars, bien trop tard pour être pris en compte.

Le journal Le Monde vient de révéler qu'un autre rapport de l'ANSES, cette fois-ci sur le glyphosate, avait également été enterré sans explication en 2016. Cet avis scientifique soulignait des lacunes dans l'évaluation de la génotoxicité du glyphosate (sa capacité à induire des cancers), et aurait dû éclairer le débat européen sur la ré-autorisation de ce pesticide en 2017 puis en 2023, dont il aurait pu modifier l’issue... Dans les deux cas, la France a donc sciemment censuré une expertise scientifique qui dérangeait les intérêts de l'agro-industrie.

Dans les deux cas, le rapport n'a pu être obtenu qu'après des procédures judiciaires ou des menaces (action judiciaire de la part du journal Le Monde pour le glyphosate, procédure administrative de mise en demeure par Agir pour l'Environnement, la Confédération paysanne et France-Nature-Environnement dans le cas des OGM).

Notons par ailleurs que, sous la pression des syndicats agro-industriels (FNSEA et Coordination Rurale), le gouvernement français a réduit le rôle de l'ANSES dans l'autorisation des pesticides. Les signaux sont fluorescents : la science dérange les intérêts de l'agro-industrie. Au-delà, la rétention d'expertises scientifiques est-elle devenue une « méthode française » pour fausser la démocratie européenne ?


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Agir pour l'Environnement

Jacques CAPLAT // Coordinateur des campagnes Agriculture et Alimentation