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Pourquoi
cette campagne ?
La vallée du Tarn, dans l'Aveyron, est
menacée de défiguration par le Viaduc
de Millau.
Ce projet pharaonique est censé faire disparaître
les embouteillages accumulés sur Millau
par l'autoroute A 75. Mais le parti pris choisi,
celui d'un gigantesque viaduc, accumule les nuisances
: destruction du paysage, menaces sur l'environnement,
coûts prohibitifs sous-évalués,
désertification du territoire et la consultation
démocratique de la population a été
tronquée.
Sans doute aurait-il été préférable
d'anticiper ces problèmes et de privilégier
le transport par rail (notamment par la modernisation
de la ligne SNCF Paris - Clermont-Ferrand - Neussargues
- Béziers). Il est aujourd'hui trop tard
pour revenir sur ce choix. Par contre, la destruction
de la vallée n'est pas inéluctable.
Une solution alternative existe, mais l'administration
ne l'a jamais réellement étudiée.
Agir pour l'Environnement et le " Comité
de proposition de l'A-75 " lancent cette
campagne pour demander au gouvernement d'abandonner
le projet de viaduc et d'étudier réellement
la solution alternative.

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Nos
objectifs
Nous voulons rassembler, autour de cette campagne,
les citoyens qui, face à ce projet mégalomane,
veulent trouver une solution à la traversée
du Tarn par l'A-75 et demandent :
> Que le Viaduc soit abandonné au profit
d'un projet moins pharaonique et mieux intégré
dans son environnement écologique et socio-économique.
> Que l'alternative du comité de proposition
de l'A75 soit étudiée et soumise
à enquête publique.
> Que la ligne SNCF Paris -Clermont-Neussargues-Béziers
soit modernisée.

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Les
problèmes d'environnement
L'autoroute modifiera profondément le paysage
et le fonctionnement des écosystèmes
.Les Causses sont un milieu d'une extrême
fragilité écologique. Le tracé
actuel met en danger des sites naturels et historiques
protégés (par exemple la ZNIEFF
du Puech d'Auzet). Selon l'étude hydrogéologique
de 1996 réalisée par le BRGM, le
système de collecte des eaux de ruissellement
menace le système karstique des bassins
d'alimentation en eau potable de 30 000 habitants.
Cette étude montre également que
le sous-sol (des marnes) est inapte à supporter
une telle structure.
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Par
ailleurs, le tracé retenu traverse
la dernière zone de nidification
de l'Outarde canepetière du Larzac
Nord. Cette espèce typique (elle
est utilisée comme image d'appel
par le parc régional des grands causses)
est en voie de raréfaction sur l'ensemble
du territoire.
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Tous ces problèmes ont été
sous-estimés et l'étude d'impact
environnementale n'a pas été soumise
à enquête publique.

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Le
bluff financier
Le dossier soumis à enquête publique
annonçait un coût de 1,5 milliards
de Francs. Au regard d'autres infrastructures
du même type, ce coût est largement
sous-évalué : d'après la
Fédération Nationale des Travaux
Publics, une telle structure coûte au minimum
2 milliards de francs. Par comparaison, la facture
du pont de Normandie s'est élevée
à 2.9 milliards de francs en 1995. Pourtant,
l'ouvrage était soumis à des contraintes
de réalisations moindres (relief plat,
dimensions plus réduites). Lors des enquêtes
préalables, ce projet avait été
évalué à ??!
Par ailleurs, les difficultés soulevées
par l'étude du BRGM sur la stabilité
des marnes destinés à supporter
les piliers laissent présager des difficultés
techniques au surcoût imprévisible.
La mise en concession, la solution miracle ?
Pour financer le viaduc, l'Etat a pris la décision
de le mettre en concession. Cette décision
a fait l'objet d'une enquête d'utilité
publique en février 99. Le péage
prévu (40 F pour les véhicules individuels
et 100 F pour les camions), avec un trafic estimé
à 20 000 véhicules par jour d'ici
2010 est censé équilibrer le coût
de l'ouvrage. Mais si les travaux coûtent
beaucoup plus chers, le concessionnaire ne sera-t-il
pas tenté d'augmenter le montant du péage
? Dans ce cas, le trafic diminuerait automatiquement
: resterait-il suffisamment important pour considérer
l'ouvrage comme " d'utilité publique
" ? Par ailleurs, vu l'ampleur des incertitudes,
la recherche de concessionnaires risque de se
révéler infructueuse : dans ce cas,
par entêtement sur un projet infaisable,
on aura perdu de nombreuses années et on
aura pris en otage les Millavois et des centaines
de milliers de touristes.
En sous-évaluant le coût, l'administration
a délibérément truqué
le dossier. C'est malheureusement une pratique
de plus en plus courante. Elle a pour conséquence
de dessaisir les citoyens et les élus de
leur pouvoir d'intervention.

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Développement
local ou désertification
Les rapports entre autoroute et développement
local sont complexes (voir encadré). En
tout état de cause, il est clair que le
viaduc, en détournant le trafic, fera perdre
à Millau une part importante de son activité
touristique. Cette perte ne sera pas compensée
par un afflux (très aléatoire mais
systématiquement mis en avant par les promoteurs
du viaduc) de touristes attirés par l'ouvrage
d'art !
Par ailleurs, l'autoroute ne desservira pas le
bassin d'activité de Millau-Roquefort-St
Affrique qui, avec 70 000 emplois, est le plus
important entre Clermont-Ferrand et Béziers.
Elle risque donc de contribuer à la désertification
de la région. Au contraire, la solution
alternative présentée par le "
Comité de proposition pour l'A-75 "
irriguerait la zone d'activité et contribuerait
au développement local et à l'aménagement
du territoire.
L'autoroute et développement local
Il
y a des mythes qui ont la vie dure. Il en
est ainsi de celui qui veut qu'autoroute
rime avec désenclavement. Mais l'expérience
va totalement à l'encontre de cette
idée reçue : l'autoroute invite
à la vitesse et désertifie
donc les régions qu'elle traverse.
Elle ne profite qu'aux bassins urbains situés
à ses extrémités.
Porteuse d'une autre logique d'aménagement
du territoire, la loi Voynet prévoit
la mise en place de schémas multimodaux
de transports. Ces schémas, censés
partir des besoins de déplacement,
obligeront à comparer les modes de
transport et à privilégier
ceux qui ont le moindre impact environnemental.
Si une telle logique avait prévalu
il y a quelques années, on aurait
sans doute privilégié le rail
pour traverser le Massif Central (notamment
en améliorant la ligne SNCF Béziers-Neussargues).
Les embouteillages de Millau n'auraient
jamais existé. Les pollutions et
les émissions de gaz à effet
de serre auraient été largement
diminuées.
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Sur
la ligne de train
La ligne Paris -Clermont-Neussargues-Béziers
pourrait servir d'alternative face à la
saturation des lignes SNCF de la vallée
du Rhône.
Le Ministère des Transports a annoncé
que l'Etat participerait pour 25 % du coût
total des travaux, réseau ferré
de France (RFF) a aussi souhaité s'engager
dans cette rénovation.

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Les
procédures de consultation de la population
bafouées
> Novembre 93 : première enquête
d'utilité publique, portant sur le contournement
de Millau, mais ne présentant aucun projet
concret.
> Janvier 95 : déclaration d'utilité
publique du projet.
> Juillet 96 : le projet de Viaduc (dit projet
Foster) est adopté par un jury international.
> Février 99 : la mise en concession
de l'ouvrage fait l'objet d'une enquête
publique
mais pas l'ouvrage lui-même
! Pourtant la ministre de l'Aménagement
du Territoire et de l'Environnement avait tenu
à ce que l'étude d'impact soit inclue
dans le dossier d'enquête publique, mais
le ministère des Transports ne l'avait
retenu qu'à titre d'information !
Malgré la succession d'enquête d'utilité
publique, à aucun moment la population
n'aura donc été consultée
sur le projet lui-même, ni sur ses impacts
environnementaux. On est donc en droit d'estimer
que l'esprit de la loi n'a pas été
respecté et que l'utilité publique
de l'ouvrage n'a pas été démontrée.
D'une manière générale, les
problèmes liés au respect de l'environnement,
la non-crédibilité du montage financier
et les problèmes de construction mettent
profondément en cause la nature du projet.
Ce qui soulève la question de la validité
d'une éventuelle déclaration d'utilité
publique à venir.
Le débat public
La loi relative à la démocratisation
des enquêtes publiques et à la protection
de l'environnement date de 1983. Elle a été
complétée par la loi du 2 février
1995 (adoptée suite au rapport Bouchardeau
sur la précédente loi) qui arrête
des " dispositions relatives à la
participation du public et des associations en
matière d'environnement " et organise
" la consultation du public et des associations
en amont des décisions d'aménagement
". Elle crée la " Commission
nationale du débat public " qui peut
notamment être saisie par les associations
agrées pour la protection de l'environnement.
Dominique Voynet a engagé une réforme
de ces procédures. Elle vise à soumettre
les projets au public en amont du choix des infrastructures,
à mieux associer la population et à
donner les moyens d'expertise indépendante
aux associations. Dans le cadre d'une telle procédure,
le Viaduc de Millau aurait depuis longtemps était
abandonné.
Pour en savoir plus :
http://www.a75.com/viaduc.html#dates
(site des constructeurs...?)

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Article
du Monde paru dans l'édition du 15 août
2002
Carnet de route
Le viaduc de Millau, plus haut pont du monde
Au nord, le Lévezou granitique ; au sud,
le causse calcaire du Larzac : deux plateaux massifs
qui culminent à plus de 800 mètres
d'altitude. Entre les deux, le grand canyon creusé
par le Tarn, qui coule quelque 300 mètres
plus bas. Un paysage aride et vertical, habituellement
sauvage et désert, qui, à quelques
kilomètres en aval de Millau, est depuis
six mois hérissé de grues virevoltantes
et grouillant d'une intense activité humaine.
C'est le chantier de l'ouvrage qui porte le nom
de la ville, le viaduc de Millau, qui doit assurer
la continuité autoroutière de Paris
à Barcelone par Clermont-Ferrand et Béziers.
Sur un tel chantier, la simple énumération
des chiffres prend des intonations lyriques. L'ouvrage
mesurera 2,46 kilomètres de long, en huit
travées de 204 à 342 mètres
de portée. Le viaduc culminera à
343 mètres au-dessus du niveau du Tarn,
ce qui en fera le pont le plus haut du monde.
Hauteur à deux étages : le tablier
(18 mètres de large sur 4,20 mètres
d'épaisseur) sera posé sur les piles
à 270 mètres de hauteur et suspendu
par des haubans à sept pylônes de
90 mètres. Sa construction nécessitera
206 000 tonnes de béton et 36 000 tonnes
d'acier ( " Cinq fois la tour Eiffel ! "
), et coûtera 310 millions d'euros. Actuellement,
500 hommes travaillent sur le chantier.
Cet ouvrage, on l'espérait depuis longtemps,
de l'Auvergne au Languedoc. A chaque migration
estivale ou saisonnière, le bouchon de
Millau - 30 kilomètres de nationale 9 entre
Aguessac au nord et La Cavalerie au sud - dispute
régulièrement la vedette dans les
chroniques de Bison futé au tunnel de Fourvière,
et ce goulet d'étranglement annihile pour
une bonne part les avantages que le Massif central
espère d'une autoroute centrale (l'A75)
enfin achevée.
Il y a eu, du côté des pouvoirs publics,
beaucoup d'hésitations préalables,
mais peu d'oppositions de terrain, et, une fois
prise la décision de construire un viaduc,
les choses sont allées très vite.
Lancement du concours le 21 juin 2000, résultat
fin décembre. Le projet retenu est celui
de l'architecte britannique Norman Foster, rénovateur
du British Museum à Londres, du Reichstag
à Berlin, auteur en Extrême-Orient
de l'immeuble de la Hong Kong Bank. Signature
le 10 octobre 2001 entre l'Etat et le constructeur
choisi, la société Eiffage, spécialiste
français de la construction métallique
(les gares TGV de Lyon-Satolas et d'Aix-en-Provence,
la Pyramide du Louvre et le pont de Solferino
à Paris...). Et, le 21 décembre
2001, Jean-Claude Gayssot, alors ministre des
transports, donne le signal de départ du
chantier. " Il faut plutôt parler de
neuf chantiers, rectifie Frédérique
Alary, responsable de l'accueil, qui conduit d'une
main sûre son minibus d'un lieu de travail
à l'autre à travers l'écheveau
des pistes d'accès à ce paysage
bouleversé, parmi le va-et-vient des camions
et des engins. La construction de chacune des
deux culées et des sept piles qui porteront
le viaduc, explique la jeune femme, est un chantier
en soi qui a nécessité un accès
particulier. " Des routes et même un
pont sur la rivière ont dû d'abord
être réalisés pour ouvrir
le site. Après l'implantation des fondations
de 12 à 16 mètres de profondeur
pour s'ancrer dans la roche mère, ces piles
commencent à sortir de terre et à
inscrire visuellement dans ce paysage chaotique
le tracé du futur ouvrage...
Les travaux doivent durer trois ans ; la mise
en service est prévue par Eiffage pour
le 10 janvier 2005. Un délai auquel la
société tient d'autant plus que
c'est sur ses fonds propres qu'elle supporte intégralement
le coût des travaux, sans engagement financier
de l'Etat. C'est sous le régime de la concession,
et donc du péage, que fonctionnera l'ouvrage.
Ce qui a incité la société
constructrice à créer une filiale
spécialisée de gestion, la CEVM
(Compagnie Eiffage du viaduc de Millau). "
Pour la CEVM, explique son directeur général,
Marc Legrand, le défi n'est pas seulement
technique, mais aussi économique : nous
sommes concessionnaires pour soixante-quinze ans,
mais responsables de l'état du viaduc pour
cent vingt ans. "
Les calculs de rentabilité ont été
basés sur un trafic de 10 000 véhicules
par jour ; un trafic qui varie beaucoup selon
la saison, puisqu'il atteint en juillet-août
25 000 véhicules. Le péage sera
donc également " saisonnalisé
" : un tarif courant à 4,60 euros,
un tarif d'été et de grands départs
à 6,10 euros ; plus un tarif poids lourds
unique, de 19 euros. La barrière de péage
sera à dix-huit voies, et la gestion du
viaduc créera une trentaine d'emplois.
" Ces tarifs, dit Marc Legrand, mettront
en tout état de cause l'itinéraire
Paris-Méditerranée moins cher que
celui de la vallée du Rhône. "
Un axe dont la saturation est, pour la CEVM, une
raison d'espérer un rapide accroissement
de son trafic.
Georges Chatain

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