« L’environnement, ça comme à bien faire »… saison 3 ?

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Alors que la campagne présidentielle bat son plein, que chaque candidat jette ses dernières forces dans la bataille pour convaincre les indécis, que les « punch line » fusent pour frapper les cerveaux disponibles à défaut d’éveiller l’esprit critique, l’environnement et les enjeux agricoles et alimentaires  sont les grands absents des débats de cette élection.

Par Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement
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A la notable exception de Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon voire d'Emmanuel Macron, les programmes des autres candidats brillent par leur vacuité en matière écologique et agricole. Rien ou presque ne vient prendre en compte les grands enjeux, qu’ils soient climatique, énergétique, alimentaire ou sanitaire. Le creux des programmes atteint des sommets...

C’est ainsi que la transition agricole et alimentaire fait partie des angles morts de cette campagne où la petite phrase écrase les grands desseins émancipateurs.

Le constat alarmant dressé par les acteurs de la société civile en matière agricole aurait pourtant mérité l’attention des candidats. 

  • Quand un agriculteur met fin à ses jours tous les deux jours, quand la France agricole n’arrive plus à supporter un endettement massif, une précarité et un manque de reconnaissance, 
  • quand la terre agricole est artificialisée à un rythme de plus de 60 000 hectares tous les 7 ans, 
  • quand la France demeure le premier utilisateur de pesticides en Europe et le troisième au monde, 
  • quand l’agriculture bio peine à dépasser les 6% de la surface agricole utile, 
  • quand les fermes-usines se multiplient, que 20 % des petites fermes continuent d’être sacrifiées tous les 10 ans, et que la souffrance animale persiste ; 

... il est peu de dire que l’absence d’engagements des candidats interroge.

Absence d’autant plus incompréhensible que le citoyen indécis pourrait habilement être intéressé à cette élection en pariant sur un discours ambitieux en matière de transition agricole et alimentaire. 

 Selon un sondage IFOP commandé par Agir pour l’Environnement, 

  •  90% des personnes interrogées se déclarent favorables à une transition agricole ; 
  •  86% souhaitent l’interdiction des pesticides au plus tard en 2025 ;
  •  84% aimeraient voir la part de surfaces agricoles bio tripler dans les 5 prochaines années.

Ces résultats illustrent parfaitement les dynamiques locales que nous vivons au quotidien :

  • L’explosion du nombre d’Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) retissant un lien solidaire entre des producteurs et des consommateurs, 
  • l’augmentation du nombre de conversion de fermes en agriculture biologique (21 par jour depuis le début de l’année !), 
  • la multiplication des collectivités locales proposant des menus biologiques en restauration collective,
  •  etc.

... sont autant d’initiatives qui démontrent, jour après jour, que la transition agricole et alimentaire ne se conjuguent par au futur mais au présent ; ici et maintenant.

Face au rejet d’une classe politique dont cette élection est le reflet, un message peut être adressé aux candidats : « il n’y a pas de mal à être populaire ». Il n’est pas trop tard pour évoquer les vrais sujets et enjeux des décennies à venir. D’autant que l’absence de propositions n’est en rien un moyen de régler les problèmes que l’agriculture française connaît. Au mieux resurgiront-ils le lendemain d’une élection frustrante.

En 2011, un président de la République, paradant dans les travées du salon de l’agriculture comme d’autres visitent un zoo rassemblant des espèces menacées, affichait son dégout de l’environnement. Six ans plus tard, ce n’est plus l’environnement qui commence à bien faire mais l’incapacité des candidats à vivre dans le réel et proposer des solutions concrètes. 

Nous ne nous satisfaisons pas des non-dits et autres faux-fuyants qui auront rythmé cette campagne. Nous faisons le pari de l’intelligence collective et de la clarté. Dans moins de 4 jours, les électeurs se rendront aux urnes. Gageons qu’ils pourront s’exprimer en toute connaissance de cause ! 

Espérons que nous n’aurons pas à regretter cette aptitude qui semble désormais faire un bon candidat : 

  • son art de manier avec dextérité une langue de bois verte, 
  • fleurissant son discours  d'un verbiage, 
  •  haut en couleur mais qui laisse finalement l’électeur seul face à ses doutes et interrogations.

Gageons qu’à l’heure du sprint final, les candidats auront au cœur de nous faire profiter de leur vision d’une transition agricole et alimentaire passionnante car collective, résiliente. Nous l’attendions. Nous l’espérons. Rien ne serait pire que de croire qu’ « il n’y a pas de problème dont l’absence de solution ne finisse par venir à bout » (Henri Queuille, président du Conseil sous la 4ème République).